Honduras: le libre-échange malgré des droits bafoués
ISABELLE HACHEY
La Presse
Un pays ultraviolent, gangrené par la corruption, où règne une impunité quasi totale: depuis cinq ans, le Honduras glisse dans un inquiétant chaos. Pourtant, au nom du commerce, le Canada a choisi d’ignorer la détérioration des droits de la personne dans ce petit pays, le plus pauvre d’Amérique centrale.

C’est le dur constat que dresse Bertha Oliva, l’une des militantes les plus connues des droits de la personne au Honduras. De passage à Montréal cette semaine, elle a accusé le Canada d’avoir signé un accord de libre-échange avec le Honduras, en novembre, alors que son pays était en pleine crise sociale et politique.

Bertha Oliva, l’une des militantes les plus connues des droits de la personne au Honduras, accuse le Canada d’avoir signé un accord de libre-échange avec le Honduras, en novembre, alors que son pays était en pleine crise sociale et politique.
PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE
À la tête du Comité des familles de détenus et disparus du Honduras (COFADEH), Mme Oliva milite depuis la disparition de son mari, Tomas Nativi, en 1981. À l’époque, le Honduras était sous la coupe des militaires, soutenus par les États-Unis dans le grand jeu géopolitique de la guerre froide. Le Bataillon 3-16, une tristement célèbre unité de l’armée, était chargée d’assassiner et de torturer les opposants politiques du gouvernement.

Trente ans plus tard, les militants honduriens ont une douloureuse impression de déjà-vu. Les escadrons de la mort, préviennent-ils, sont de retour dans les rues de la capitale, Tegucigalpa.

Depuis le coup d’État du 28 juin 2009, pas moins de 32 journalistes ont été assassinés au Honduras, selon Human Rights Watch. Des professeurs, des syndicalistes et des dirigeants paysans ont aussi été tués, menacés ou poursuivis en justice, dit Mme Oliva. «On veut casser les dirigeants, uniformiser la pensée, éliminer ceux qui exigent des changements sociaux en profondeur, dit-elle. On utilise la machine de l’État pour instaurer une culture de la peur.»